mercredi 4 septembre 2013

Les gardiens inquiets


Je connaissais par coeur le musée National d'Alep, avec ses imposantes statues de granite aux yeux d'ivoire.
Honnêtement, mon attention se tournait bien plus vers les chats errants qui trainaient dans le jardin que par les céramiques anciennes, les tombes à jarres et autres tablettes kunéiformes. Qu'on ne m'en veuille pas, j'y passais chaque année et je ne savais pas encore que ce n'était pas un refrain éternel.

Mais de toutes les statues millénaires, celle-ci en bronze se démarquait :
Avant d'être présenté sous vitrine, ce lion gardait un temple sacré à Mari.


A tout âge, chaque fois que je me retrouvais face à lui, je me demandais pourquoi avait-on donné à ce lion une telle expression. C'est un gardien - les gardiens de temple doivent être durs et imposants. Lui est allongé sur un socle, il ne fait pas directement face à celui qu'il surveille, et surtout, son regard fait appel à plus encore de compassion que les petits chats du jardin.


Rentrée en France, je l'oubliais. Mais bien vite, je me retrouvais au Louvre pour une raison quelconque,
et au détour d'un couloir, je croisais ce gardien-ci.


J'ai longtemps cru qu'il s'agissait d'une seule et même statue et que, d'une certaine manière,
son expression me hantait tellement qu'elle falsifiait ma mémoire.
Elles viennent du même temple, appelé aujourd'hui "Temple aux Lions", et se sont tenues
à 40cm l'une de l'autre pendant 4 millénaires.
Cette même expression désarmante chez ces deux lions.

Qui a-t-il de plus effrayant que de voir de l'impuissance, de la peur et de l'empathie dans
le visage de gardiens eternels?



Une pensée toute enfantine pour la belle Syrie.